Cris sur le mur

« Une affiche est un cri lancé du haut d’un mur. » Cette célèbre phrase attribuée à l’affichiste Josep Renau identifie l’affiche à un cri visuel d'une grande puissance communicative, ce qui en fait un instrument idéal pour la propagande. L'utilisation d’affiches politiques, déjà utilisée pendant la Première Guerre mondiale, constitue un phénomène sans précédent en Espagne pendant la Guerre Civile. On estime que quelque 3 500 affiches ont été créées au cours des quelque 1 000 jours de guerre. La production en territoire loyaliste a été beaucoup plus importante que celle du camp rebelle, mais dans les deux cas, la création d'affiches a constitué un véritable débouché artistique dans une période difficile pour les artistes professionnels.

Dans certaines régions d’Espagne, principalement dans les villes disposant des infrastructures nécessaires à la production d'affiches, comme Madrid, Barcelone ou Valence, et malgré la pénurie de papier et d'encre, la multiplication des affiches était frappante. George Orwell décrit cette situation de manière saisissante dans Hommage à la Catalogne (1938) : « Les affiches révolutionnaires étaient omniprésentes, flamboyant sur les murs dans des rouges et des bleus nets qui faisaient ressembler les quelques publicités restantes à des taches de boue ». 

Les besoins de guerre ont dicté le rythme de production et les slogans. Les affiches sont conçues pour mobiliser la population et obtenir l'impact souhaité dans divers domaines : enrôlement des combattants, augmentation de la production agricole et industrielle, amélioration de l'éducation, participation des femmes à différentes tâches, augmentation des actions de solidarité, discrédit de l'ennemi ou remontée du moral des troupes. Les slogans cherchent à éveiller les consciences et demandent à la population de contribuer à la victoire dans la mesure où chacun est censé le faire.

L'Espagne n'ayant pas une grande tradition d'affichage politique, les affiches ont emprunté certaines ressources des affiches commerciales et festives, tout en reflétant l'influence soviétique, introduite par le biais de certaines publications et prodiguée par les dessins de certains éminents affichistes sympathisants du communisme. De nouvelles techniques telles que le photomontage et l'aérographe ont été appliquées, ce qui a donné lieu à des dessins modernes et attrayants.

Bien que de nombreux artistes, sans se consacrer spécifiquement à l'affichage, aient réalisé des dessins d'affiches pendant la guerre, on peut citer parmi les noms les plus célèbres - et les plus prolifiques - José Bardasano, dont on voit ici « Fuera el Invasor » (Dehors l’envahisseur), Josep Renau, Carles Fontseré, Juana Francisca Rubio, Martí Bas, Arturo Ballester, Germán Horacio, José Briones, José Espert ou Manuel Monléon. 

IEG